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LA VIE CANADIENNE 63 LA VIERGE D’IVOIRE (Suite de la page 79) avait un salaire plus que suffisant pour lui permettre de vivre honorablement, et avec ses économies, les placements sûrs qu’il pouvait faire et avec la petite fortune que lui laisserait ses parents, Fernand Drolet pouvait envisager l’avenir avec confiance. Or, à mesure que le mal inconnu dévorait la fille de M. Roussel, Fernand Drolet s’inquiétait et il souffrait énormément, tout autant peut-être que le négociant lui-même. Pendant un certain temps il venait tous les soirs et tous les dimanches passer quelques heures auprès de celle qu’il avait choisie pour sa compagne future. Mais comme Lysiane ne semblait pas prendre de mieux, comme elle paraissait être marquée du sceau fatal de la mort, Fernand se désespéra, et peu à peu il cessa ses visites. Il les cessa auprès de Lysiane parce que le docteur Rouleau avait ordonné l’éloignement de tout visiteur. Puis, plus tard, la douleur de M. Roussel et de sa femme lui devint insupportable, car cette douleur pesait trop sur la sienne à lui, et il ne vint presque plus sur la rue Sainte-Famille. Mais en ce jour du 8 décembre, après que le docteur eut annoncé à M. Roussel que sa fille allait bientôt cesser de vivre, le négociant avait téléphoné la terrible nouvelle à Fernand Drolet qui, cette fois, se fit un devoir de venir assister aux suprêmes moments de Lysiane. Le jeune homme s’était donc approché du lit de la moribonde, l’avait regardée longuement, puis il s’était écarté brusquement en sanglotant. Et sans un mot d’explications, à la profonde stupéfaction de M. et de Mme Roussel, le jeune homme s’en alla, il s’en alla pleurant de tous ses yeux et de tout son coeur... mais il s’en alla comme un fuyard ! Au fond de son âme ce cri lugubre s’élevait : — Adieu, Lysiane ! Adieu ! nous ne pourrons pas être l’un à l’autre... Dieu te rappelle à lui ! Oui, ce jeune homme avait été frappé par une douleur terrible ! Car, en dépit de l’‘incapaeité de la science médicale, il avait conservé un dernier espoir : peut-être que la nature forte et saine de Lysiane reprendrait le dessus ! Mais voilà que, sans s’y attendre sitôt, il venait de voir un cadavre ! La vue de ce cadavre l’avait frappé au coeur mortellement peut-être ! SERVICE DE LIBRAIRIE Afin de contribuer au développement du goût de la lecture au Canada, nous annoncerons tous les bons livres qui nous seront adressés, mentionnant le titre, le nom de l’auteur, le prix et le nom de la maison qui nous l’aura envoyé. AMOUR, GUERRE ET PATRIE Mélodrame en six actes par Horace J. Kearney. Protonotaire conjoint de la Cour Supérieure de District de Hull. Mélanges Littéraires de Benjamin Suite. HISTORIETTES : Recueillies et publiées par Gérard Malchelosse. G. DUCHARME, Libraire-Editeur MONTREAL. ‘ Il voulut échapper à sa douleur : il demanda un congé de deux mois et s’en alla aux Etats-Unis. Il ne voulait pas être dans cette même ville où bientôt, dans quelques jours, on mettrait en terre le corps de celle qu’il avait aimée jusqu’à la folie ! Il ne voulait pas être là, afin de n’être pas forcé d’assister aux funérailles ; car alors il savait qu’il ne pourrait contenir sa douleur, et cette douleur il voulait la dérober aux yeux des profanes ! N’importe ! Fernand était parti comme un lâche.... il avait déserté tout au moins ceux qu’il aurait dû consoler et encourager, c’est-à-dire M. et Mme Roussel ! Mais enfin la douleur ne se contrôle pas, et l’on ne peut pas condamner toujours les actes d’un homme, quand ces actes ont été le fait de circonstances imprévues et terribles qui, un moment, peuvent dérouter l’homme le plus fort et le plus habile. Quant à Lysiane, elle n’avait pas eu connaissance de la présence de Fernand près de son lit ; elle était demeurée comme avant, immobile et les yeux fermés. Le silence demeurait profond. Le père et la mère restaient comme statufiés devant la couche funèbre, la bouche crispée par la douleur immense, les yeux rougis et lourds. Une heure s’écoula ainsi. Tout à coup la moribonde ouvrit ses yeux, tourna ses regards agonisants vers sa mère, sourit im-