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LE TRÉSOR DE BIGOT

dangereuse position. Dès que le chef disparaîtrait, sa vie serait en danger.

Mais comment faire ?

Il eut une idée.

Cette idée, il lui était impossible de la mettre à exécution sur l’heure.

Le moment favorable viendrait-il ?

Question angoissante.

Et puis, si on allait surprendre la présence de Café, plus d’évasion possible. Sans le chien, son plan ne valait plus rien.

Les bandits jouaient au poker. La partie commençait à être animée.

— S’ils pouvaient faire beaucoup de bruit, désira le détective.

Son désir fut bientôt accompli.

Une discussion s’éleva. L’un des bandits en accusa un autre d’avoir triché. Ce dernier, indigné de l’insulte, sauta à la gorge de son accusateur. Les autres essayaient vainement de séparer les deux nouveaux ennemis. Tout le monde criait.

La minute attendu par le détective était venue. Il se pencha sur Café et fit la mimique de mordre ses liens. Le chien sembla comprendre.

Puis il parla à l’oreille de l’animal :

— Va, va, Café, traîne-moi, dit-il.

Le chien ouvrit la gueule et mordit les liens de son maître. Le poids du détective était léger pour lui. N’était-il pas le roi des chiens par sa grosseur et son intelligence !

Il mordait solidement les cordes et il traînait le détective vers l’endroit où les sacs avaient été déposés.

Le bruit que faisait le corps en glissant sur le parquet était étouffé par la lutte des deux bandits que leurs camarades avaient jusqu’alors été impuissant à séparer.

Le détective ne savait où Café l’emmenait.

« Si la caverne a deux issues, se dit-il, je suis sauvé. Mais a-t-elle deux issues ? »

Le chien le traînait toujours. La nuit était trop noire autour de lui pour qu’il pût distinguer quoi que ce fut.

Le trajet dura deux longues minutes que le détectives prit pour une éternité.

Si les bandits allaient s’apercevoir trop tôt de sa disparition et se metre à sa poursuite !

Café avançait bien lentement. Le détective avait beau lui ordonner d’aller plus vite, l’intelligente bête se refusait à lui obéir de peur de lui faire mal contre les crêtes du rocher que Jules sentait de chaque côté de lui, dans l’obscurité.

Soudain, une brise fraîche caressa le visage du détective.

— Serait-ce une autre sortie de la caverne ? se demanda-t-il.

Une minute plus tard, il en était sûr ; car le chien faisait des efforts extrêmes de sa gueule pour le hisser au dehors par un trou qui laissait voir un coin du ciel étoilé, derrière des branches.

Après trois ou quatre tentatives infructueuses de Café, Jules fut enfin tiré de la caverne. Il était dans un petit bosquet formé par trois épinettes dont les branches, aidées de nombreuses broussailles, dérobaient l’ouverture à la vue.

Le détective regarda autour de lui.

Allait-il se faire traîner à son automobile ?

Non, car il lui serait impossible de faire avancer sa machine pieds et poings liés.

Il allait lui falloir d’abord trouver une personne secourable qui lui couperait ses liens. Car les bandits l’avaient si solidement ligoté que ses efforts n’aboutissaient à rien.

La lune s’était levée et l’aurore colorait décidément l’est.

Jules Laroche regarda de nouveau aux quatre coins de l’horizon et vit une maison au loin.

D’un signe de tête, il montra la maison à Café, puis :

— Hop ! En avant ! commanda-t-il.

L’animal mordit les liens de son maître, mais cette fois aux jambes, et le traîna.

Le trajet fut long ; mais personne ne les dérangea. Les bandits n’avaient sans doute pas encore constaté sa disparition.

Tout le monde dormait dans cette maison de cultivateurs.

— Jappe, jappe, Café, pour les éveiller, dit le détective.

Le chien se mit à aboyer. Ses aboiements sans réponse se changèrent en hurlements.

Cinq minutes se passèrent.

Mais les cris du chien ne se passèrent pas.

Un vieillard en bonnet de nuit apparut enfin à une fenêtre :

— Veux-tu te taire, animal ! s’écria-t-il. Tu vas réveiller la maisonnée.

Jules dit alors au vieux :

— Voulez-vous être assez bon de venir me couper ces liens-là, monsieur, demanda-t-il. J’ai été attaqué par des chenapans qui m’ont mis dans cet état.

— Des voleurs ! il y a des voleurs par ici, gémit le vieux, constatant que Jules était ligoté. Mon Dieu ! Mon Dieu ! Que le monde est donc méchant de nos jours ! Attendez, mon pauvre monsieur, je cours vous délivrer.

Le vieillard disparut. Puis la porte extérieure s’ouvrit.

Quelques instants plus tard, le détective voyait ses liens coupés.