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LE TRÉSOR DE BIGOT

dié la médecine à l’université et nous étions dans le temps de bons copains.

L’homme était rassuré :

— Es-tu allé au « Cheval de Bois » ce soir ? questionna-t-il.

— Oui. J’arrive de Québec.

— Rien de nouveau ?

— Non, excepté que le père Latulippe est rendu chez le détective Laroche, rue des Remparts.

Le bandit sursauta :

— Es-tu sûr que c’est vrai ce que tu dis là ?

— Ah ! oui, aussi sûr que le diable existe.

— Alors, le maudit Tricentenaire nous a donc trahis ! Je n’aurais jamais cru cela de lui. Il semblait un fervent de la cause et manifestait à qui voulait l’entendre la plus grande admiration pour le génie du chef.

Le détective cherchait dans les subtilités de son esprit un moyen de se faire montrer les objets volés qui étaient cachés là.

— J’ai aussi une autre nouvelle fort inquiétante à t’annoncer.

— Quoi ? interrogea l’autre avec anxiété.

— Le bonhomme Lacerte a été arrêté.

— Diable ! Qu’est-ce que la police a contre lui ?

Le détective répondit :

— Il paraît que la police a découvert une partie de notre complot. Le bonhomme Lacerte a été identifié comme étant le mendiant qui a couché certain soir chez le notaire Morin, à St-Henri.

— Mais, alors, nous sommes en danger !

— Oui. On murmure même que le détective Laroche connaît l’endroit où se trouve cette caverne. Seule, l’identité du chef est ignorée. C’est pourquoi il m’a dépêché ici pour t’aider à cacher ailleurs les objets volés ; car il s’attend à ce que la police fasse un raid sur la caverne à bonne heure ce matin.

Le détective mentait avec un calme et un sang-froid admirables.

Le bandit était atterré :

— Répète le mot de passe, demanda-t-il à Jules qui répéta sans sourciller :

— « Madeleine », « Trésor de Bigot ».

L’autre se leva :

— Viens, nous allons transporter les sacs au dehors. Mais où les cacherons-nous ?

— Le chef a dit de creuser un trou et de les enfouir sous un bosquet, mais loin de la caverne.

Le bandit prit sa lanterne et se dirigea vers un coin de la caverne, suivi du détective.

Café, jusqu’alors, était resté dehors. Il profita de ce moment pour entrer sans être vu et se glissa avec une discrétion intelligente en arrière de la grosse boîte sur laquelle son maître était assis pendant la conversation qui venait de se terminer.

Le bandit tourna à l’endroit où la caverne semblait prendre fin et, à la lumière de la lanterne, un corridor étroit et bas apparut.

Ils le longèrent quelques instants, puis le criminel s’arrêta et sembla, dans l’obscurité, appuyer sa main sur un bouton.

On entendit le petit bruit particulier que fait la porte d’un coffre-fort qui s’ouvre.

Le détective vit, à la lumière de la lanterne, trois sacs bien gonflés, au fond d’un trou d’environ deux pieds de diamètre.

Le bandit sortit les trois sacs, en remit un à Jules Laroche et retourna vers la caverne, emportant les deux autres.

Ils se reposèrent tous deux avant de transporter les sacs dehors.

Le bandit paraissait pressé d’en finir, mais son compagnon lui fit entendre qu’il n’y avait pas de danger de se faire pincer avant le matin.

C’est alors que Jules commit une erreur grave. Il fouilla dans une de ses poches et en sortit son étui à cigarettes. Mais au même moment, le mouvement qu’il fit laissa voir à l’autre son insigne de détective, sous son veston.

Le bandit, vif comme l’éclair, sous l’empire de la pensée rapide qu’il avait affaire à un traître, sauta à la gorge du détective. Celui-ci, pris par surprise, roula sur le roc qui formait le plancher de la caverne. Mais il se ressaisit vite et se releva avant que l’autre l’eût rejoint.

Jules avait en face de lui un homme robuste, aux muscles d’acier. D’un coup de poing, le bandit eût pu assommer un bœuf. Mais le détective avait pour lui l’adresse et la science.

Cependant il fit mine de fuir. Le bandit courut pour le rejoindre et l’entoura par en arrière d’une étreinte d’acier.

C’était ce qu’attendait Laroche. Il pencha alors son corps en avant, dans un mouvement rapide et brutal, suivant la meilleure manière du jiu-jitsu. Son adversaire fut malgré lui soulevé de terre. Il perdit l’équilibre. Répétant son premier mouvement, le détective le fit sauter par-dessus sa tête et il retomba quelques pieds plus loin, s’écrasant sur le sol.

Il se releva aussitôt, meurtri mais plus enragé de lutte que jamais. Il voulut courir à un coin, sans doute pour prendre son revolver. Le détective l’en empêcha et une lutte corps à corps suivit.

Jules avait fait appel à toute sa science du jiu-jitsu pour mater le colosse en furie.