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LE TRÉSOR DE BIGOT

ma voix d’aller immédiatement le rejoindre à son bungalow de St-Henri. Il a besoin de vous pour une affaire cette nuit. Mon père dit que c’est une grosse affaire. Il y aura beaucoup de galette.

Une voix inconnue répliqua :

— Mais il nous a dit, il n’y a pas trois heures, de ne pas quitter des yeux cette vieille canaille couchée dans le coin, jusqu’à ce qu’il revienne.

— Oui, oui, je sais, dit Champlain, mais les ordres sont changés. Il s’agit d’une nouvelle inattendue. Le chef a absolument besoin de vous.

Tout à coup, une voix que Madeleine reconnut tout de suite, s’éleva du fond de la caverne :

— Ah ! bandits, bandits ! Traiter un vieillard, un centenaire de si misérable façon ! Dieu vous le rendra ! Le ciel est juste. Je vous souhaite de brûler dans les flammes de l’enfer pour cela ! Et j’espère que tous les démons abandonneront les autres pour s’acharner sur vous.

Ce fut un éclat de rire général dans la caverne.

Madeleine souffla à Jules :

— C’est le père Latulippe qui a parlé. J’ai reconnu sa voix.

Le détective fit remarquer :

— Je me doutais bien qu’ils l’avaient emmené ici.

— Riez, riez, suppôts de satan. Mais à l’heure de la mort, vous ne rirez plus. Oh ! débarrassez-moi au moins de ces cordes qui me serrent les jambes et les bras à me faire crier de douleur.

Une voix rude dit :

— Lâchez le secret de la fosse du noyé et nous couperons les liens.

— Jamais vous ne connaîtrez ce secret ! Jamais je ne vous le dirai ! À une seule personne je le confierai, et c’est à la petite Madeleine Morin. Vous le confier, ce secret ! … Le père Latulippe n’est pas si bête !… Vous me tueriez après comme un chien ; car je ne vous serais plus d’aucune utilité et je vous gênerais.

— En effet, le vieux n’est pas si bête ! murmura le détective. Il a la même réflexion que j’ai eue avec sa fille, la paysanne.

Le père Latulippe continuait, s’adressant sans doute à Champlain-Tricentenaire :

— Vous, monsieur, qui venez d’arriver, disait-il, vous semblez moins féroce que les autres. Délivrez-moi de ces liens qui me font mal, je vous en prie !

Tricentenaire parla de nouveau :

— Vous allez provoquer la colère terrible du chef si vous ne vous rendez pas immédiatement au bungalow.

La voix rude fit :

— Eh ! bien donne-nous le mot de passe de la journée pour nous prouver que tu ne nous as pas trahis hier.

— « Madeleine », répliqua Champlain.

— Ce n’est pas tout.

— Non, je sais.

Et il continua :

— « Le trésor de Bigot. »

— C’est bien le mot de passe. Tu es en règle. Il nous faut t’obéir. Venez, vous autres, et laissez-lui ce sale vieux. La conversation ne languira pas, car il a une langue de vieille commère.

Jules avait sursauté en entendant le nom de « Madeleine ». La jeune fille aussi. Les bandits étaient bien à la recherche du trésor puisqu’ils employaient comme mots de passe « Madeleine » et « le trésor de Bigot ».

Les deux jeunes gens se firent plus petits encore derrière le bosquet ; trois bandits sortaient de la caverne. Ils montèrent le sentier et disparurent au premier tournant.

Tricentenaire était resté seul avec le père Latulippe dans la caverne :

Le vieillard implorait :

— Monsieur, coupez-moi mes liens.

— Oui, oui, bon vieux, je vous les coupe à l’instant.

Puis il y eut un silence.

Soudain le détective et Madeleine entendirent comme un bruit de lutte.

Enfin la voix de Tricentenaire se fit entendre :

— Pourquoi tenter de vous enfuir, père Latulippe ? Je vous dis que je suis votre ami, que je vais vous sauver. Mais votre précipitation a failli tout gâter. Vous êtes vieux, mais j’en connais plus long que vous dans cette affaire. Suivez mes conseils. Maintenant je vais être obligé de vous attacher de nouveau les bras et les jambes. Quand nous sortirons tout à l’heure, je vous mettrai un bâillon sur la bouche pour vous enlever toute tentation de crier. Mais je vous le répète, père Latulippe, je suis