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LE TRÉSOR DE BIGOT

j’ai eu peur d’être attaqué de nouveau. Si j’étais sorti, ils auraient sans doute saccagé votre automobile en mon absence. Si j’étais resté là, ils m’auraient probablement assommé. Alors je me suis dit qu’il valait mieux m’en aller avec l’auto vous trouver à Saint-Henri.

— Cette explication n’est pas mal tournée du tout, pensa le détective. Mais je n’en crois pas le premier mot. Laissons toujours faire pour le moment. Diable, je ne sais pas trop comment m’y prendre pour faire avouer la vérité à cet animal.

Ils continuèrent leur route, Champlain-Tricentenaire conduisant l’automobile Buick en avant.

Ils arrivèrent à St-Henri sans qu’aucun autre incident ne les eût retardés.

Il était 9 heures et demie.

Une pensée avait fait jour dans le cerveau de Jules, une opinion dont il voulait connaître la valeur.

C’est pourquoi il arrêta son « Racer » en face du garage de St-Henri.

Le propriétaire était là. Il lui demanda :

— Avez-vous eu connaissance qu’on ait fermé la route entre St-Henri et Lévis ce matin ?

— Oui, et j’ai été bien surpris, car je n’en avais nullement entendu parler auparavant.

— Je m’en doutais bien. Vous avez le téléphone ici ?

— Oui, monsieur, et il est à votre disposition.

Jules entra dans le garage, s’empara de l’appareil téléphonique et appela le ministère provincial de la voirie, à Québec.

Là, on lui dit que l’ingénieur en charge de la route Lévis-Jackman n’avait nullement donné l’ordre de fermer la route ce jour-là. D’ailleurs, toutes les machines nécessaires à l’arrosage des chemins étaient sur la route Québec-Montréal. Il était donc impossible de faire des travaux du côté de Lévis le jour même.

Au ministère, on lui dit encore que l’homme qui surveillait le blocus à l’entrée de la route avait été arrêté par le chef de police de Lévis sur les ordres du département de la voirie.

Jules téléphona au chef de police de Lévis.

Celui-ci lui déclara que l’homme arrêté était un pauvre vieillard bien connu dans la ville. Des individus s’étaient présentés chez lui la veille, se faisant passer pour des officiers du ministère de la voirie, et lui avaient dit qu’ils le nommaient gardien. Il reçut même $5.00 sur le champ. Le lendemain matin une voiture apportait au vieillard les tréteaux et les planches nécessaires au blocus.

— Mais alors, pensa le détective, on n’a fermé cette route que pour me faire passer, moi, par l’autre, dans le but de m’attaquer, de m’assassiner sans doute. Je ne me serais pas cru tant d’importance.

Il se rendit alors à la demeure du notaire et de Madeleine. Ils l’attendaient tous deux sur la galerie.

— Je suis en retard, fit-il, excusez-moi. Ce n’est pas de ma faute. J’ai été attaqué dans le « Petit St-Henri ». Tiens, une balle a même crevé mon pneu. J’ai dû continuer quand même. J’en serai quitte pour acheter un pneu neuf et présenter la facture aux bandits quand je leur aurai mis la main au collet.


VII

LE FUME-CIGARETTES


Madeleine était encore sous l’effet du récit que Jules Laroche venait de lui faire des attentats qui avaient été commis contre lui le matin même.

Le notaire semblait atterré.

À quoi cette terrible affaire allait-elle aboutir ! Sa fille et lui sortiraient-ils vivants de la série de pièges qu’on leur tendrait sans doute.

De nouveau, malgré sa grande résolution de la nuit précédente, il essaya de détourner sa fille de l’idée de suivre le détective dans ses pérégrinations. Mais Madeleine repoussa dignement l’attaque de son père.

— Je suis la plus jeune de la famille, dit-elle, la seule capable de remplir la tâche. Et il est nécessaire que les Morin, descendants du garde du château St-Louis, soient représentés dans cette recherche du trésor. Il faut, papa, que tu consentes de gaieté de cœur à ce que j’accompagne monsieur Laroche.

Le vieux notaire poussa un profond soupir.

Le détective déclara alors :

— Réellement, monsieur Morin, j’ai besoin de votre fille pour faire parler le père Latulippe qui ne me connaît pas et qui pourrait se méfier de moi.

— Oui, car le vieux centenaire est très méfiant, tu sais, papa.

Le notaire, sa fille et le détective étaient assis sur la galerie de la résidence de monsieur Morin.

Jules Laroche allait répondre qu’à cent ans on en a assez vu pour être méfiant quand une automobile arrêta en face de la maison. Un jeune homme fort bien mis la conduisait.

— Tiens, c’est Jean, fit Madeleine.

— Qui ? demanda le détective.

— Mon ami, monsieur Labranche.

— Ah ! ah ! Invitez-le donc à venir ici. Je