Page:Huot - Le trésor de Bigot, 1926.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
LE TRÉSOR DE BIGOT

ta dans une automobile où se trouvait un autre homme. Une minute après, la machine était hors de vue.

— Sapristi, on dirait qu’il a peur de nous, s’écria en riant le détective.

Voyant approcher son maître et le curé, Champlain apparut visiblement décontenancé.

Le détective pensa : « C’est la seconde fois qu’aujourd’hui que mon fidèle serviteur se montre à moi en louche compagnie. Il faut que je voie le fond de cette affaire. »

Il demanda alors à Champlain :

— Tu as rempli la mission que je t’avais confiée ?

— Oui, monsieur Laroche.

— Et le résultat ?

— Tous ceux que j’ai interrogés se montrent indignés de l’attentat. Il paraît que la tombe violée est celle du fondateur de cette paroisse. On vénérait beaucoup le défunt. Certains disent qu’il est mort emportant le secret d’un grand trésor enfoui quelque part à St-Henri.

Le détective se tourna vers le curé :

— Monsieur l’abbé, dit-il, quelques-uns de vos paroissiens semblent connaître cette histoire du trésor. Cependant vous ne l’avez racontée qu’au notaire !

— Non, monsieur Laroche ; je n’ai rien dit à âme qui vive, excepté au notaire. J’avais peur que mes paroissiens ne prissent la chose au sérieux et ne négligeassent leurs travaux des champs pour entreprendre la vaine poursuite de ce trésor.

— Vous avez bien fait, monsieur le curé. Cependant plusieurs de vos paroissiens connaissent quand même l’histoire.

— C’est ce je ne m’explique pas, monsieur Laroche.

Le curé pencha la tête, réfléchit, puis déclara :

— Je ne crois pas pourtant que le notaire ait parlé.

— Allons chez le notaire, déclara alors Jules Laroche. Mais non, auparavant, j’ai une petite besogne à accomplir. Café, viens ici !

Le chien s’approcha. Son maître se dirigea avec lui vers la fosse. Il y fit descendre l’animal :

— Sens, Café, sens, sens bien, sens fort, répéta-t-il plusieurs fois.

L’animal, le nez fouillant le fond de la fosse, fit plusieurs tours sur lui-même. Soudain, d’un bond, il sauta hors du trou et se mit à avancer lentement, le museau rasant le sol.

— Je crois qu’il a la piste du criminel, dit Jules au curé.

Le chien sortit du cimetière et prit la route Lévis-Jackman. Il n’avait pas fait 500 pas qu’il quitta la route, sauta par-dessus une clôture et se mit à aboyer en face d’une maison.

— Mais votre chien est arrêté devant la résidence de notre notaire, monsieur Laroche, dit le curé avec surprise.

— Je m’en doutais, fit le détective.

Le bon vieux prêtre le regarda d’un air ébahi.

— Comment se nomme le notaire ? questionna Jules.

— Monsieur Morin.

— Je m’en doutais, fit encore le détective.

— Décidément, je ne comprends rien, absolument rien, se dit le curé en lui-même.


III

MARCEL MORIN, N. P.


Le notaire était dans son cabinet de travail, occupé avec un client. Le détective dut attendre plusieurs minutes qu’il utilisa à examiner minutieusement la pièce où il se trouvait en compagnie du curé. C’était un petit salon où chaque meuble, chaque bibelot respirait l’antiquité.

Le curé profita de l’attente, pour continuer son histoire commencée :

— Je n’ai pas encore pensé à vous dire, monsieur Laroche, déclara le prêtre, que le défunt Marcel Morin, dont la tombe a été si outrageusement violée, avait laissé une femme et un enfant à sa mort. La famille ne s’est pas éteinte. Aujourd’hui le chef de cette famille est le notaire Marcel Morin, chez qui nous sommes en ce moment.

— Je m’en doutais ; bien plus, j’en étais sûr, répondit le détective.

— Mais vous êtes donc devin, monsieur.

— Non, je suis simplement observateur.

D’ailleurs, avant de venir à St-Henri, j’avais consulté un almanach des adresses et je m’étais renseigné sur les noms des notables de cette paroisse. Je connaissais donc l’existence du notaire Marcel Morin. Quand vous m’avez parlé de l’inscription et donné le même nom gravé sur le monument, j’ai naturellement fait un rapprochement. Lorsque mon chien Café s’est arrêté devant cette maison, j’ai de suite supposé que c’était celle du notaire. Car le criminel a dû se renseigner ici.