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LA CEINTURE FLÉCHÉE

tard à la veillée de la Sainte-Catherine, à Saint-Anaclet. »

À ce moment, il vit une faible lueur percer parmi les branches nues de la petite forêt voisine.

Il tira sur les rênes. Cerf-volant et Pommette prirent le galop.


CHAPITRE II

LA MAISONNETTE EN BOIS ROND


« Wo… a ! » cria Jérôme Fiola au moment où ses deux chevreuils s’arrêtaient en face d’une maisonnette en bois rond qu’éclairait la lune de côté.

Le guide examina la demeure. Elle pouvait avoir 24 pieds par 12 et avait à peine 8 ou 9 pieds de hauteur. Son constructeur l’avait bâtie en suivant l’architecture trapue des vieilles maisons d’autrefois. Le bois n’avait même pas été écorcé. Partout les preuves apparaissaient qu’on avait voulu bâtir vite.

Jérôme se gratta le menton pendant quelques instants.

Il était passé au même endroit il n’y avait pas plus de deux semaines. Cette maison n’existait pas alors. Ce devait bien être celle du vieillard mystérieux.

Allait-il entrer ?

Il était perplexe.

Peut-être risquait-il une réception froide. Le vieux le mettrait-il à la porte ?

Dans les bois, Jérôme était le plus hardi des hommes. Mais en société, il était le plus timide et le plus sauvage des enfants. Or cette maison inconnue c’était pour lui « de la société ».

Mais la curiosité le travaillait fort.

Enfin, il risqua le tout pour le tout et frappa discrètement à la lourde porte à laquelle trois marches de bois équarri conduisaient.

Il attendit une ou deux minutes. Comme il n’obtenait pas de réponse, il frappa de nouveau, cette fois avec plus de force.

Enfin Jérôme entendit une voix qui demandait de l’intérieur :

— Qui est là ?

La voix s’essayait vainement à la rudesse. Elle ne réussissait qu’à être chevrotante.

— C’est un ami, un coureur des bois qui voudrait se reposer quelques minutes », répondit Jérôme.

Quelques secondes s’écoulèrent ; puis le guide entendit un bruit de verrou que l’on tire.

La porte s’ouvrit.

Dans la lumière projetée par la lampe posée au milieu de la table dans la pièce, Jérôme vit un vieillard tremblant, à longue barbe blanche. Il était vêtu d’une longue tunique en étoffe du pays. Ses pieds étaient chaussés de fins souliers mous d’où sortaient des bas rouges qui emprisonnaient sa culotte aux genoux.

— Bonsoir, monsieur, dit le vieillard. Vous êtes le bienvenu chez moi. Mais il ne faudra rien dire de ce que vous verrez ici. Vous êtes un coureur des bois. J’ai confiance en vous ; mais je me défie de votre langue. Promettez-moi solennellement de ne rien révéler de ce que vous verrez dans ma maison.

Jérôme était estomaqué. Sous le coup de la surprise, il promit tout ce que le vieillard voulut lui faire promettre et entra.

De suite, il chercha le feu pour réchauffer ses orteils gelés. Une grosse bûche flambait dans une cheminée mal faite. Il s’en approcha. Après un silence de quelques minutes, le guide déclara :

— Je suis Jérôme Fiola, vous avez peut-être entendu parler de moi.

Le vieillard eut un éclair de joie :

— Ah ! vous êtes Jérôme Fiola, dit-il. Certes, je vous connais de renommée. N’avez-vous pas guidé dans les bois mon ami Pierre Renaud, le juge ?

— Comment ! vous connaissez monsieur le juge Renaud ! Je n’avais que seize ans, et déjà je le pilotais dans la forêt.

Mais le vieillard interrompit son interlocuteur :

— Chut ! chut ! fit-il, il ne faut dire à personne que je connais Renaud. Celui-ci pourrait savoir que je suis ici, et cela amènerait toutes sortes de complications. Rappelez-vous votre promesse, hein !

Jérôme était de plus en plus mystifié.

Qui était ce vieillard ?

— Monsieur Fiola, voulez-vous me servir de guide pour quelques jours. J’aimerais à parcourir la forêt de Rimouski, à chasser l’orignal et le chevreuil. Il me semble qu’un bon steak d’orignal ferait du bien à mon estomac détraqué. Voulez-vous ?

— Certes, répondit Jérôme, qui acceptait avec d’autant plus de satisfaction que cela