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LA CEINTURE FLÉCHÉE

elles vont plus vite. C’est qu’elles l’aiment. Elle est si bonne !

— Bonjour, Jérôme !

— Bonjour, mam’zelle Alice.

La jeune fille était belle, d’une beauté encore en évolution. Les lignes de son corps n’étaient pas définitives. Sa figure saine et pure était comme un fruit qui commence à mûrir. Elle était vêtue d’un chandail, d’un bonnet de laine blanche et d’une jupe de même couleur. Le rouge agité de ses pommettes ressortait davantage de tout ce blanc.

Tout de suite, Jacques Martial s’intéressa à cette jeune fille.

Les présentations faites, mam’zelle Alice dit au jeune homme :

— Vous êtes un chasseur, monsieur. Comme j’aimerais aller, moi aussi, dans la forêt, la vraie, celle où l’on peut se perdre ! Mais maman ne veut pas m’y laisser aller à cette saison de l’année. Elle dit que c’est trop froid, que je peux attraper du mal. Je ne crois pas ça, et je voudrais faire consentir maman.

Jacques raconta alors à la jeune fille que le temps n’était pas favorable à la chasse. Et puis, Jérôme partait le lendemain en excursion avec un inconnu.

— Oh ! il commence à neiger, s’écria la jeune fille.

En effet le ciel s’était couvert et une petite neige tombait en voltigeant.

— Si la neige continue ainsi quelques heures nous tuerons certainement un orignal demain, dit le guide.

— Malheureusement, je ne serai pas de la partie, s’écria avec tristesse Jacques Martial.

— Mais comment ça ? interrogea Alice.

On lui expliqua pourquoi l’étrange chasseur voulait être seul avec Jérôme.

— Mais vous, monsieur Martial, où irez-vous pendant ce temps ?

Le guide intervint :

— Si vous voulez rester chez moi, vous êtes le bienvenu. Je serai de retour dans deux ou trois jours. Êtes-vous pressé ?

— Non, pas précisément.

— Alors, attendez mon retour et je vous promets un orignal et un chevreuil.

Jacques, se tournant vers la jeune fille, lui dit :

— Et vous, mademoiselle, ainsi vous aimez beaucoup la chasse ?

— Oh ! oui.

— Et elle connaît sur le bout de ses doigts tous les bois des environs, dit Jérôme.

— Mais alors, fit le jeune homme, vous pourriez me guider dans la forêt. Pendant l’absence de Fiola, nous ferions la petite chasse.

Puis, avec une crainte, il demanda :

— Votre mère s’objecterait-elle à cela ?

— Oh ! non, maman me laisse libre comme l’oiseau. Elle a confiance en moi.

— Alors, disons que c’est entendu pour demain.

— Entendu, fit la jeune fille visiblement satisfaite. J’irai vous chercher à la maison de Jérôme demain matin à 8 heures.

CHAPITRE VII

LA CHASSE À L’ORIGNAL


— Tiens, je crois que c’est une piste d’orignal.

Jérôme Fiola se pencha sur la neige fraîche et examina une trace bien distincte qui s’en allait, en suivant les méandres du sentier, dans la forêt.

Le vieillard mystérieux l’accompagnait.

— Oh ! fit-il, quelle joie, si je puis tuer un orignal aujourd’hui !

Jérôme avait terminé son examen :

— C’est bien une piste d’orignal, dit-il. Et la bête n’est pas passée ici depuis plus d’une demi-heure.

Le vieillard sourit de contentement.

— Que faut-il faire ? questionna-t-il ?

— Il faut avancer prudemment, éviter de faire le moindre bruit. D’ailleurs l’épaisse couche de neige qui recouvre la forêt favorisera notre marche silencieuse. À partir de ce moment, monsieur, je vous ordonne poliment de ne plus prononcer un mot jusqu’à ce que je vous aie moi-même adressé la parole. Je vous ferai savoir par signes ce qu’il faut que vous fassiez.

Ils continuèrent silencieusement leur route dans le sentier boisé, Jérôme regardant de tous côtés et s’arrêtant souvent pour écouter des bruits qui n’étaient rien pour le vieillard mais qui, pour le guide, avaient des significations distinctes.

Il était tombé une épaisse couche de neige depuis la veille. Mais ce jour-là il faisait beau. Le temps était sec et un petit vent fouettait dans les veines, un sang qui circulait joyeusement et créait la gaieté.

Au plus épais de la forêt, Jérôme s’arrêta soudain. Sur un signe presqu’impoliment autoritaire, il fit stopper le vieillard ; puis il lui indiqua un coin du bois avec un regard interrogateur.