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MORAUX ET POLITIQUES

nous font commettre des imprudences & des indiſcrétions, à faire de fauſſes démarches qu’il eſt ſouvent impoſſible de redreſſer.

Il y a une délicateſſe de goût qui reſſemble beaucoup à cette vivacité des paſſions, & qui nous rend ſenſibles à la beauté & à la laideur, comme l’autre à la proſpérité & à l’adverſité, aux bons offices & aux injures. Que l’on préſente à un homme de goût un Poëme ou un Tableau, il ſentira, pour ainſi dire, dans chaque partie de cet Ouvrage, ſi les coups de maître qu’il y remarque, le raviſſent & le tranſportent ; rien n’égale le déſagrément & le dégoût que lui cauſent les endroits négligés ou mal traités : ſi une converſation aſſaiſonnée de raiſon & de politeſſe eſt pour lui le plus grand des plaiſirs, les groſſiéretés & les impertinences ſont pour lui le plus rude des ſupplices. En un mot, la délicateſſe du goût & la vivacité des paſſlions produiſent les mêmes effets, elles élargiſſent toutes deux la ſphere des biens & des maux, & nous donnent toutes deux des peines & des plaiſirs inconnus au reſte des hommes.