Page:Hume - Essais moraux et politiques, 1764.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
ESSAIS

la plus légere traverſe les accable & les déſeſpere : un bon accueil, un petit ſervice ſuffiſent pour vous concilier leur amitié ; mais une ombre d’injuſtice excite leur reſſentiment : les honneurs & les marques de diſtinction leur cauſent des tranſports qui paſſent toute imagination, mais le mépris ne les afflige pas moins vivement. Il n’y a point de doute que le plaiſir & la douleur ne faſſent ſur les perſonnes de cette humeur de plus fortes impreſſions que ſur les tempéramens froids & phlegmatiques ; je crois cependant qu’il n’y a perſonne qui ne préférât ce dernier caratere , ſi le choix étoit en ſon pouvoir. Nous, ne ſommes gueres les maîtres de notre deſtinée , & c’eſt ſur les eſprits ſenſibles que le malheur frappe ſes plus rudes coups : il s’empare de toutes leurs facultés , il émouſſe juſques au goût pour ces biens communs, dont la jouiſſance bien réglée fait la partie la plus eſſentielle du bonheur. Comme les plaiſirs vifs ſont de beaucoup plus rares que les grandes peines, les eſprits ſenſibles en ont d’autant plus d’épreuves à ſoutenir, Pour ne pas dire que les fortes paſſions