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MORAUX ET POLITIQUES

dans la conſtitution primitive de l’esprit, la liaiſon entre la délicateſſe du goût & la vivacité des paſſions ; mais il me paroît qu’il y en a une très-étroite. Les femmes, qui ont les paſſions plus vives que nous, ont auſſi plus de goût pour tout ce qui ſert à embellir : c’eſt à elles à juger d’un habit & d’un équipage, & à régler les bienſéances : ces fortes de beautés ſont plus d’impreſſion ſur elles que ſur nous ; & ſi l’on réuſſit à flatter leur goût, on eſt ſur de leur plaire.

Mais quoi qu’il en ſoit de cette liaiſon, je ſuis perſuadé que rien n’eſt ſi propre à réprimer l’efferveſcence des pallions que la culture du goût, je dis de ce goût fin & ſublime, qui nous met en état d’apprécier le caractere des hommes, les ouvrages de génie, et les productions des beaux arts. Le goût pour ces beautés communes qui frappent les ſens, eſt toujours proportionné aux degrés de ſenſibilité du tempérament : au-lieu que dans les ſciences & dans les arts libéraux la délicateſſe du goût n’eſt en effet autre chofe que la force du bon-ſens, ou du —moins en eſt inſéparable. Pour ju-