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ESSAIS

Cependant, malgré cette reſſemblance, je crois que l’on conviendra généralement que la délicateſſe du Goût eſt une chofe très deſirable & qui mérite d’être cultivée ; au-lieu qu’un homme qui a les paſſions vives eſt à plaindre, & doit faire des efforts pour les adoucir. Les biens & les maux de la vie ne font gueres en notre diſpoſition ; mais nous pouvons choiſir nos lectures, nos recréations, nos ſociétés. Les Philoſophes qui ont voulu rendre le bonheur tout-à-fait indépendant des choſes de dehors, ont tenté l’impoſſible : cependant tout homme ſage doit tâcher de trouver ſon bonheur dans des objets qu’il a le pouvoir de ſe procurer ; & la délicateſſe du goût lui en fournit les plus ſûrs moyens. Ceux qui ont le talent de ſentir le beau font plus heureux par ce ſentiment, qu’ils ne pourroient l’être en ſatisfaiſant leurs appétits : une belle poéſie, un raiſonnement bien conduit a pour eux des attraits que n’ont point tous les plailîrs dont le luxe le plus prodigue pourroit les enivrer.

Il ſeroit difficile de déterminer quelle eſt,