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Essai

présente, il est nécessaire de se représenter ces siecles grossiers qui ont vu naître les nations, & de les distinguer du temps présent, où l’imagination confond ses besoins avec ceux de la nature. Dans les premiers tems de la réunion des peuples en société, les hommes contens des productions de la terre ou de ces premieres & grossieres préparations qu’ils peuvent eux-mêmes leur donner, sans le secours des connoissances & de l’industrie, ont peu d’occasions de faire des échanges, & encore moins besoin de l’argent, qui n’en est devenu la représentation que par la convention des nations. Le laboureur occupe sa famille à filer la laine de son troupeau, & la donne à un tisserand dont il reçoit une étoffe grossiere qu’il paie en grains ou en laine. Le charpentier, le serrurier, le maçon & le tailleur sont également payés en denrées, & le seigneur lui-même, demeurant dans le voisinage de sa terre, reçoit de son fermier, pour prix de son bail, une partie des denrées qu’il recueille. La famille du seigneur, ses domestiques, & les étrangers