Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 7, 1788.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
Essai

sauver un million, mais nous pouvons craindre de voir le contraire, & qu’un million ne soit sacrifié au bonheur momentané de mille citoyens[1].

    payer, plutôt qu’à un honnête-homme ruiné ; par la raison que le premier, voulant mettre ordre à ses affaires, trouve son intérêt à se libérer lorsqu’il est en état de le faire, ce qui n’est pas au pouvoir du dernier. Le raisonnement de Tacite, vrai dans tous les tems, s’applique très-bien à la matiere présente. Sed vulgus ad magnitudinem beneficiorum aderat, stultissimus quisque pecuniis mercabatur. Apud sapientes cassa habebantur quæ neque dari neque accipi salvâ republicâ poterant.
    Le public est un débiteur que personne ne peut obliger de payer. Il n’est retenu vis-à-vis ses créanciers, que par l’intérêt de conserver son crédit. Cet intérêt peut être aisément contrebalancé par des dettes énormes & des conjonctures extraordinaires & difficiles, en supposant même que le crédit fût perdu pour toujours. D’ailleurs, il est des cas où la nécessité présente force les états à prendre des partis entiérement contraires à leurs intérêts.

  1. Note de l’auteur.
    Quelques personnes instruites assurent que le nombre des créanciers publics, tant naturels qu’étrangers, ne monte qu’à 17000 ; leurs revenus les mettent en état de tenir un rang considérable dans le monde ; mais dans le cas d’une banqueroute publique, ils deviendroient dans l’instant les citoyens les plus pauvres & les plus malheureux. La fortune & l’autorité de la noblesse & des pro-