Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 7, 1788.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
Essai

peuvent étendre leur vue jusqu’à ces proportions universelles qui comprennent un nombre infini de proposions particulieres, & renferment la science entiere dans un simple théorème. Leurs yeux sont éblouis de l’espace immense qui leur est présenté ; ils perdent le principe de vue & quelque claires qu’en soient les conséquences, elles leur paroissent obscures & embarrassées ; mais il n’en est pas moins certain que la meilleure maniere de raisonner, est d’établir des principes généraux, quoiqu’ils puissent être sans application dans quelques cas particuliers. C’est la méthode qu’emploient les philosophes dans les traités de morale ; les politiques doivent en faire également usage, & plus particuliérement encore lorsqu’ils sont occupés du gouvernement intérieur de l’état, dont le bonheur, qui est, ou qui doit être leur principal objet, consiste dans la réunion d’une multitude de circonstances, toutes dépendantes du législateur, au lieu que les affaires extérieures de ce même état sont subordonnées au hasard, aux accidens, & même au caprice de quelques personnes.