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Moraux et Politiques

prennent souvent le dessus dans notre cœur.

Je ne sais si c’est aux fausses idées dont le beau-sexe est imbu à ces deux égards, qu’il faut attribuer son penchant pour les contes & pour les fictions. Mais j’avoue que je ne saurois lui voir, sans chagrin, un goût si décidé pour le faux, & une aversion si forte pour la réalité. Il y a quelque tems qu’une jeune beauté qui m’avoit inspiré une sorte de passion, me pria de lui envoyer des romans pour s’amuser à la campagne. C’étoit une occasion favorable de me servir contre elle d’armes empoisonnées ; mais trop généreux pour en profiter, je lui envoyai les vies de Plutarque, en l’assurant qu’elles ne contenoient que des récits entiérement fabuleux. Elle lut fort attentivement jusqu’aux vies d’Alexandre & de César, sans s’appercevoir de ma tromperie. Mais ces deux noms, que par hasard elle connoissoit, la lui ayant découverte, elle me renvoya aussi-tôt mon livre, en se plaignant amèrement du tour que je lui avois joué.

On m’objectera peut-être que le beau-sexe n’a point pour l’histoire l’aversion dont je