Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 6, 1788.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
Essais

plus, disoient-elles, à la parure & à l’étalage, & nous serons libres : nous n’entendrons plus les tendres soupirs de l’amant, mais en échange la voix impérieuse du mari ne frappera plus nos oreilles : nous disons un adieu éternel à l’amour, mais nous le disons aussi à l’esclavage.

Puisque, dit un certain auteur, pour rendre les hommes souples & soumis, il fallut absolument les priver d’un sens, c’étoit un grand malheur pour les pauvres Scythes que le son de l’ouïe n’ait pu s’accommoder au dessein de leurs femmes, & qu’elles se soient jettées sur celui-là : à s’en rapporter à la décision unanime des savans les plus profonds, il n’y a pas pour un mari beaucoup d’inconvénient de ne pas entendre. Au reste, il court sur cette histoire des anecdotes : quelques femmes avoient en secret épargné les yeux de leurs époux, en supposant que cela ne porteroit point de préjudice au gouvernement. C’étoit trop présumer d’elles-mêmes : à mesure que ces dames avançoient en âge & que leur beauté se passoit, les époux devinrent plus revêches & plus intraitables.