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Moraux et Politiques

connoît point le peuple qu’il doit commander : une défiance réciproque régnera entre lui & ses sujets ; il se livrera à des étrangers, qui n’auront rien de plus pressé que de mettre à profit le tems de leur faveur & l’autorité de leur maître, pour amasser des richesses. Si l’on place sur le trône un natif du pays, il y portera toutes ses amitiés & ses haines privées : il sera l’objet perpétuel de la jalousie des grands, qui ne verront jamais de bon œil leur égal devenu leur supérieur. Enfin on n’obtient jamais des couronnes par la raison qu’on en est digne : ce sont des choses d’un trop haut prix pour pouvoir être la récompense du mérite. Leur brillant éclat tentera toujours les aspirans à employer tout les moyens possibles pour se les procurer. S’ils ne peuvent arracher par force les suffrages des électeurs, ils feront des intrigues pour les gagner, ou répandront de l’argent pour les corrompre. De sorte qu’à tout prendre on n’est pas plus sûr de bien rencontrer par le hasard de l’élection, que par le hasard de la naissance.