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Moraux et Politiques

de faire ou d’abroger les loix, résidoit tout entier chez le peuple : les consuls & les grands n’y avoient pas même voix négative ; & ce n’étoit point par des représentans, c’étoit en corps que le peuple exerçoit ce pouvoir. Quelles en furent les suites ? Les voici. Cette nation s’étant accrue par ses succès. & par ses conquêtes, & s’étant étendue à une grande distance de la capitale, toutes les résolutions continuèrent de rouler sur les suffrages des tributs de Rome, quoique composées de la plus vile populace : c’étoit donc le peuple qu’il falloit gagner, pour lui plaire il falloit le caresser, affecter ses manieres, flatter son goût. Dès-lors, pour s’insinuer dans sa faveur, il falloit l’entretenir dans l’oisiveté. Distributions publiques de bled, présens particuliers, rien ne fut épargné par les candidats qui briguoient les charges, c’étoit à qui inventeroit quelque nouveau moyen de le corrompre. De jour en jour la licence s’accrut ; le champ de Mars devint le théâtre du tumulte & de la sédition ; des esclaves armés se mêlèrent parmi ces indignes citoyens : l’état n’étoit plus qu’une