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Moraux et Politiques

chacun d’entre nous a plus d’amour-propre que d’amour pour ses semblables, nous sommes tous naturellement portés à faire autant d’acquisitions qu’il nous est possible ; il n’y a que l’expérience & la réflexion qui puissent nous arrêter, en nous montrant les pernicieux effets de cette licence, & la société prête à se dissoudre, si elle n’est pas réprimée. Ici donc le penchant naturel est refréné par le jugement & par la réflexion.

Il en est de même du devoir politique ou civil de soumission, que des devoirs naturels de justice & de fidélité. Nos instincts primitifs nous portent toujours ou à nous permettre une liberté sans bornes, ou à subjuguer les autres : il n’y a que la réflexion qui nous engage à sacrifier des passions aussi fortes à l’amour de l’ordre & de la paix. Il ne faut qu’un peu d’expérience pour apprendre que la société ne sauroit se maintenir sans l’autorité d’un magistrat, & que cette autorité sera bientôt vilipendée, si l’on manque à l’exacte obéissance. L’observation de ces intérêts communs, observation qui est à la portée de tout le monde, est la source