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Moraux et Politiques

avec des transports de joie qui font connoître clairement avec combien de répugnance la nation avoit porté un joug étranger. À présent je demande sur quoi est fondé le droit de ce prince. Ce n’est certainement pas sur le consentement du peuple : quoique le peuple reconnoisse avec plaisir l’autorité de son maître, il ne s’imagine pas qu’il la tienne de son consentement ; si le peuple consent, ce n’est que parce qu’il croit déjà que c’est-là, par droit de naissance, son légitime souverain. Et quant à ce consentement tacite, qui consiste à vivre sous la domination d’un souverain, il a été accordé à l’usurpateur & au tyran, comme il l’est à celui-ci.

En disant que le droit de gouverner dérive du peuple, nous lui faisons assurément plus d’honneur qu’il n’en mérite, & même qu’il n’en prétend. Lorsque l’empire Romain fut devenu, pour ainsi dire, une masse trop lourde pour le gouvernement républicain, toutes les nations de la terre alors connue, furent bon gré à Auguste de s’être rendu absolu, & se fournirent avec la même docilité au successeur qu’il avoit nommé dans son