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Essais

fondation des nouveaux gouvernemens. Dans un état dont la constitution est fixée, on défere souvent aux inclinations du peuple ; mais durant la fureur des révolutions, de la guerre, & des convulsions publiques, ce sont communément ou le tranchant de l’épée, ou les prestiges de la politique qui décident la controverse.

Les peuples, pour l’ordinaire, sont malsatisfaits des gouvernemens nouvellement établis, & s’ils obéissent, c’est plutôt par crainte & par nécessité que par un sentiment de devoir & d’obligation morale. Le prince est toujours sur ses gardes, & observe d’un œil jaloux toutes les démarches qui semblent tendre à la révolte. Peu-à-peu le tems surmonte ces obstacles,& accoutume la nation à regarder comme son souverain légitime celui qu’elle avoit d’abord pris pour un étranger & pour un usurpateur : pour l’y engager on ne fait valoir ni sa promesse ni son consentement volontaire, parce que l’on sait bien que rien de semblable ne fût jamais ni exigé ni attendu : violence d’une part, nécessité de l’autre : telle est d’origine de cet établisse-