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Moraux et Politiques

cordans. Mais cela n’est pas généralement vrai. L’Arabe est rude & désagréable à l’oreille, les Russes ont l’intonnation douce & musicale. La langue latine a de la force, même un peu de rudesse ; l’Italien, qui lui a succédé, est la plus coulante, la plus molle & la plus efféminée de toutes les langues. Chaque langue dépend en partie des mœurs de ceux qui la parlent, mais infiniment plus de ce fonds primitif de mots & de sons qu’ils tiennent de leurs ancêtres, & qui se conserve inaltérable parmi le changement des mœurs & des usages. Les Anglois, du tems de Milton, étoient sans contredit une nation bien plus policée & plus savante que les Grecs du tems d’Homere ; cependant quelle comparaison entre le langage de ces deux poëtes pour ce qui regarde la douceur & l’harmonie ? Que dis-je ? plus les mœurs changent & se perfectionnent, moins le langage changera : il n’appartient qu’à un petit nombre d’esprits supérieurs de fixer le goût & le savoir de tout un peuple ; mais leurs écrits fixent en même tems la langue, & la fixent pour toujours.