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Moraux et Politiques

ractere uniforme qui leur appartient en propre, & qui, généralement parlant ne me paroît pas être un des plus aimables. Il est presque en tout l’opposite du caractere des soldats, comme la vie ecclésiastique est opposée à la vie militaire [1].

  1. Quoique dans certains tems & dans certaines dispositions d’esprit, les hommes aient beaucoup de penchant pour la religion, il n’y en a pourtant que peu en qui ce penchant soit assez fort & assez constant pour former un caractere soutenu. Les ecclésiastiques, comme les autres hommes qui se destinent à une profession, sortent de la masse commune du genre humain, pour embrasser l’état sacré ; & ce sont, pour la plupart, des vues d’intérêt qui les y déterminent. Il arrivera donc que sans être ni athées ni esprits-forts, ils se voient souvent obligés de paroître plus dévots qu’ils ne le sont en effet, & d’afficher un air grave & zélé, lors même que leurs fonctions les ennuient, ou lorsqu’ils s’occupent des affaires de la vie commune. Ils n’oseroient donner l’essor aux mouvemens & aux sentimens naturels de leur ame, il faut qu’ils s’observent & dans leurs actions, & dans leurs parole & jusques dans leurs regards : pour se maintenir dans la vénération où ils sont auprès du peuple, il ne leur suffit pas d’une extrême retenue ; il leur faut par des grimaces & par des hypocrisies perpétuelles fomenter l’esprit de superstition ; cette habitude de dissimuler, détruit la bonté & la candeur naturelle, & cause au caractere un préjudice irréparable.