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Essais

qui nous fasse reconnaître avec précision les limites qui séparent la beauté du défaut. On peut discourir très-judicieusement sur ce sujet, sans instruire son lecteur, & même sans bien posséder la matiere. Il n’y a pas de plus belle critique que la dissertation sur la poésie pastorale de M. de Fontenelle : elle est remplie de réflexions & de raisonnemens philosophiques, qui ont pour but de fixer le milieu le plus convenable pour ce genre de poésie. Mais qu’on lise les églogues du même auteur, on sera convaincu que malgré les délicates & judicieuses critiques, il avoit le goût faux, & que contre le génie de la poésie pastorale il cherche le point de perfection trop près de l’extrémité du rafinement. En ne lisant que sa critique, qui est-ce qui s’en douteroit ? Il y blâme l’excès des ornemens apprêtés autant que l’eût pu faire Virgile, s’il eût composé une dissertation sur ce sujet. Mais en effet dans les discours généraux des hommes, on ne s’apperçoit pas de la différence des goûts : ils disent tous la même chose sur ces sortes de matieres. Voici pourquoi la critique n’est jamais fort instructive,