Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 6, 1788.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316
Essais

imagination ; témoin l’histoire suivante, qui vient de fort bon lieu[1]. La mere de dernier roi d’Espagne, étant sur la route de Madrid, passa par une petite ville Espagnole, renommée par ses manufactures de gands & de bas. Les honnêtes magistrats de cette place pensoient ne pouvoir mieux marquer leur joie, & solemniser la réception de leur nouvelle reine, qu’en lui présentant un échantillon des marchandises qui seules rendoient leur ville fameuse. Le majordôme, qui conduisoit la reine, reçut les gands fort gracieusement ; mais lorsque les bas furent présentés, il les jeta avec beaucoup d’indignation, taxa les magistrats d’indecence, & leur fit une sévere réprimande : Sachez leur dit-il, que les reines d’Espagne n’ont point de jambes. La jeune reine, qui dans ce tems-là n’entendoit gueres la langue, & que l’on avoit souvent effrayée par des histoires relatives à la jalousie Espagnole, s’i-

  1. Mémoires de la cour d’Espagne, par madame d’Aunoi.