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Essais

griculture[1]. Je doute fort qu’un poëte moderne eût commis cette incongruité, & cer-

  1. Ignarosque vite mecum miseratus agrestes,
    Ingredere, & votis jam nunc assuesce vocari.

    On ne diroit pas aujourd’hui à un prince ou à un grand seigneur : Lorsque vous & moi nous fûmes dans un tel endroit, nous vîmes arriver telle chose : on diroit, lorsque j’eus l’honheur de vous accompagner dans un tel endroit, nous vîmes arriver telle chose.

    Je ne puis m’empêcher de citer ici, un trait de délicatesse françoise, qui me paroît excessif & ridicule : il ne faut pas dire : ceci est une belle chienne madame, mais madame ceci est une belle chienne. C’est qu’ils pensent qu’il y auroit de l’indécence à joindre le mot de chienne à celui de madame, quoique par rapport au sens ces deux mots n’eussent rien de commun.

    Je conviens après tout, que ces conséquences, tirées de quelques passages, détachés des anciens, peuvent paroître fausses, ou du moins très-foibles à ceux qui ne sont pas bien versés dans ces écrivains, & qui ne connoissent pas le ton général de l’antiquité. Combien, par exemple, ne seroit-il pas absurde de prétendre que Virgile ne comprenoit pas la force des termes qu’il emploie, & ne savoit pas choisir les épithetes les plus convenables, parce que dans les vers suivans, où il s’adresse encore à Auguste, il a commis la faute d’attribuer aux Indiens une qualité qui semble en quelque façon tourner son héros en ridicule ?

    Ec te, maxime Cæsar,
    Qui nunc extremis. Asiæ jam victor in oris
    Imbellem avertis Romanis arcibus Indam.