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Moraux et Politiques

cette civilité qui nous fait sacrifier nos inclinations à ceux de la compagnie, qui nous fait surmonter ou du moins cacher ces présomptions arrogantes, si naturelles à l’esprit humain. Un homme bien né & bien élevé est civil envers tout le monde sans efforts, & sans des vues intéressées : cependant, pour rendre cette excellente qualité générale dans une nation, il semble qu’il faille aider aux dispositions naturelles par des motifs généraux. Dans les républiques, où le pouvoir va en montant depuis le peuple jusques aux grands, on ne rafine gueres sur la politesse, parce que tous les ordres de l’état sont presque au niveau, & que les citoyens dépende fort peu les uns des autres : le peuple influe par l’autorité des suffrages, les grands par la dignité des charges dont ils sont revêtus. Dans une monarchie civilisée au contraire, on voit une longue chaîne de personnes qui dépendent les unes des autres, & qui s’étend, depuis le souverain jusqu’au dernier des sujets ; cette dépendance à la vérité ne va par jusqu’à rendre les propriétés précaires, & jusqu’à dépri-