Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 6, 1788.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
Essais

Mais la Chine est un vaste empire, uniforme par-tout dans sa langue, dans ses loix & dans ses mœurs. L’autorité d’un docteur, tel que Confucius, ne trouva point de difficulté à s’y établir, & passa d’un bout de l’empire à l’autre : personne n’avoit alors allez de courage pour s’opposer au torrent de l’opinion populaire : & les Chinois d’aujourd’hui n’en ont pas assez pour oser contester ce qui a été universellement reçu de leurs ancêtres. Il me semble que ceci explique fort naturellement, pourquoi les sciences ont fait si peu de progrès dans ce puissant état [1].

  1. Si l’on me demandoit, comment je puis concilier mes principes avec le bonheur, les richesses & l’excellente police des Chinois, qui ont toujours obéi à un monarque, & sont à peine en état de se former l’idée d’un gouvernement libre ? Je répondrois que l’empire Chinois, quoique monarchique, n’est pas, à proprement parler, une monarchie absolue. Cela vient de la situation du pays, les Chinois n’ont d’autres voisins que les Tartares, contre lesquels ils sont en quelque façon, rassurés, ou du moins semblent l’être, par leur fameux mur & par la grande supériorité de leur nombre. Voilà pourquoi ils ont toujours négligé la discipline militaire : les troupes qu’ils entretiennent ne sont que de la mauvaise milice, incapable de réprimer une révolte générale