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Essais

produits : il n’est pas possible que des esprits aussi exquis aient été extraits d’une masse tout-à-fait insipide. C’est dieu, dit Ovide, qui allume en nous ce feu céleste dont nous sommes animés[1].

De tout tems les poëtes ont prétendu être inspirés, & cependant ce feu poétique n’a rien de surnaturel : il ne descend pas du ciel, mais il parcourt la terre : il passe d’un esprit dans l’autre, & il excite les flammes les plus vives en ceux où il trouve les matériaux les plus propres. Ainsi la question sur l’origine & les progrès des arts & des sciences ne se réduit pas uniquement au goût, au génie & à l’esprit de quelques particuliers, elle regarde plutôt des nations entieres ; on peut jusqu’à un certain point la résoudre par des causes universelles & par des principes généraux. Je conviens que celui qui rechercheroit pourquoi un certain poëte, Homere par exemple, a vécu en tel tems & en tel

  1. Est Deus in nobis : agitante calescimus illo : Impetus hic sacræ semina mentis habet. Ovid. Fast. Lib. I.