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Moraux et Politiques

a toujours qu’un petit nombre de personnes qui s’appliquent aux sciences : la passion qui les anime a ses bornes, leur goût & leur jugement sont sujets à se gâter : le moindre incident trouble leur application. D’où il s’ensuit que le hasard, ou les causes secretes & inconnues ont toujours beaucoup d’influence sur la naissance & les progrès de tous les arts qui demandent un certain degré de rafinement.

Cependant je ne saurois croire que ce soit-là entiérement l’ouvrage du hasard ; & la raison qui m’empêche de le croire, la voici. Il est vrai que dans tous les tems & dans toutes les nations il n’y a toujours que peu d’hommes qui cultivent les sciences avec assez de succès pour se faire admirer de la postérité ; mais ceux-là même n’existeroient point, si dès leur plus tendre enfance ils n’avoient trouvé des circonstances propres à développer, à former & à nourrir leur goût & leur jugement : il faut donc au moins qu’avant que ces excellens écrivains parussent, une portion du même esprit & du même génie ait été répandue dans les pays qui les ont