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Essais

à se tromper eux-mêmes par des rafinemens outrés, & par de fausses subtilités. Lorsqu’on dit qu’une chose est arrivée par hasard, cela coupe court à tout examen, & laisse le philosophe dans la même ignorance où est plongé le reste des hommes. On ne peut raisonner sur les effets, qu’en supposant qu’ils soient produits par des causes dont l’action est réguliere ; c’est en indiquant ces causes que l’on montre son génie ; & comme à cet égard les esprits subtils ne se trouvent jamais en défaut, ils ont occasion d’enfler leurs volumes, & de déployer la profondeur de leurs connoissances dans des observations qui échappent au stupide vulgaire.

Pour découvrir la différence qu’il y a entre cause & hasard, il faut cette sagacité qui examine & qui pese tous les incidens. Mais si je devois établir une regle générale qui put nous être utile dans l’application de ces recherches, j’établirois celle ci : Les événemens, qui dépendent d’un petit nombre de personnes, doivent, pour la plupart, être attribués au hasard, ou, ce qui revient au même, à des causes inconnues ; au-lieu que l’on peut