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Essais

ches, fruits du caprice & d’une bizarre imagination. Si cela est vrai par rapport à tous les beaux arts, il doit l’être sur-tout par rapport à l’éloquence. L’éloquence étant destinée pour le public & pour les gens du monde, ne peut sous aucun prétexte en appeller de ces juges à des juges plus éclairés : Elle doit se soumettre à leur avis, sans réserve & sans restriction. Quiconque est reconnu pour le plus grand orateur par l’applaudissement universel de son auditoire, doit encore être reconnu pour tel par les savans & les sages. Mais si un orateur médiocre triomphe pour un tems, & passe pour parfait auprès du vulgaire. Ce vulgaire n’en est content que parce qu’il ne connoît rien de mieux. Le vrai génie n’a qu’à se montrer : aussi-tôt il attirera l’attention de tout le monde, & il éclipsera tous ses rivaux.

À juger d’après ces principes, l’éloquence antique, qui tend au sublime, & que les passions échauffent, est d’une toute autre justesse, & d’un goût bien supérieur à cette éloquence moderne, qui se borne à l’argumentation & au raisonnement ; & lorsqu’on