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Moraux et Politiques

ses traits sont trop chargés, ses figures trop palpables, ses divisions sentent les regles de l’école, d’où pour la plupart elles sont tirées. Il fait trop le bel-esprit, quelquefois même il ne dédaigne pas de s’abaisser jusqu’à des jeux de mots, & à de petites rimes, & en général il sacrifie trop à la cadence. Le sénat & les juges de Rome composoient des auditoires bien plus délicats & plus éclairés que celui devant lequel Démosthene prononça ses harangues ; la plus vile populace d’Athenes, voilà les souverains de ce dernier, & les arbitres de son éloquence[1].

  1. Ce furent les orateurs qui formèrent le goût du peuple Athénien, ce ne fut-pas le peuple qui forma le goût des orateurs. Gorgias de Léonce s’accommodoit à la fantaisie du peuple, jusqu’à ce que les oreilles fussent accoutumées à un meilleur ton : il y eut un tems, dit Diodore de Sicile, où les figures de Gorgias, méprisées aujourd’hui, produisirent de grands effets : elles consistoient principalement dans l’antithese & dans ce qu’on nommoit ἰστόϰηχος & ὁμοιοτέλευτον. Lib. 12, p. 106, ex edit. Rhod. C’est donc en vain que les orateurs modernes voudroient se décharger, sur le goût de leurs auditoires, de la foiblesse de leurs productions. Il faudroit être étrangement prévenu pour l’antiquité,