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Moraux et Politiques

représenté un cadavre sanglant, avec toutes ses plaies : ce tragique spectacle ne seroit qu’exciter de grands éclats de rire. Cependant ignorons-nous que les anciens avocats ont quelquefois mis en œuvre ces pitoyables artifices ? Si vous ôtez le pathétique des discours publics, il n’y restera que l’éloquence moderne, c’est-à-dire le bon sens rendu par de justes expressions.

Peut-être y-a-t-il de vrai dans cette réflexion. Peut-être que nos mœurs, ou, si vous voulez, la supériorité de notre bon sens, devroit rendre nos orateurs circonspects, lorsqu’ils entreprendroient d’enflammer l’imagination des auditeurs ; mais cela doit-il les faire désespérer absolument du succès d’une pareille entreprise, & leur faire abandonner entiérement un qrt, dans lequel il ne faudroit peut-être pour réussir qu’un redoublement d’application ? Les anciens n’étoient pas sans délicatesse sur ce point, mais leurs orateurs savoient mieux leur faire illusion[1]. Par des torrens de

  1. Longinus, cap. 5.