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Essais

Des auteurs illustres ont élèvé le talent de l’éloquence au dessus de celui de la poésie, de celui même de la philosophie, qu’ils croyoient être d’une nature inférieure. La Grece & Rome n’ont produit chacune qu’un seul orateur accompli : qu’elle qu’ait été la célébrité des autres, ils suivent de bien loin ces grands modeles.

C’est une chose remarquable, que les anciens critiques ont eu de la peine à trouver deux orateurs contemporains d’un mérite égal, & dignes d’être placés au même rang. Calvus, Cælius, Curio, Hortense, César pouvoient être distingués par des degrés intermédiaires ; mais le plus grand d’entre eux étoit effacé par Cicéron, l’homme le plus éloquent qui ait jamais paru à Rome. Les plus fins connoisseurs sont obligés de convenir qu’il n’y eut jamais en ce genre rien de pareil à l’orateur Romain & à l’orateur Grec ; ils ajoutent pourtant que ni l’un ni l’autre n’est parvenu au point de perfection dans l’art oratoire. Cet art est infini, non seulement les forces de l’homme n’y sauroient atteindre, son imagination ne peut le con-