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Essais

tems à venir, & par conséquent rejeté de la postérité. Les choses humaines sont sujettes à de si étonnantes révolutions, nous avons tant vu d’événemens contraires aux vues politiques des anciens, que cela suffit pour nous faire présumer qu’il arrivera de nouveaux changemens après nous.

Les anciens ont observé que tous les arts & toutes les sciences sont nées parmi des nations libres. Les Persans & les Egyptiens, quoique vivant dans la plus grande aisance, dans l’abondance même & dans le luxe, ne firent que de foibles efforts pour se procurer ces plaisirs délicats, que durant des guerres continuelles, malgré la pauvreté qui en étoit une suite, & la simplicité de leurs mœurs, les Grecs ont portés à un si haut point de perfection : la Grece devint riche par les conquêtes d’Alexandre, mais ses richesses ne purent empêcher les arts de tomber dans le déclin dès le moment même qu’elle eût perdu sa liberté : & depuis cet époque ils n’ont jamais pu se relever dans ce climat. Le savoir passa à Rome, le seul état libre qui fût alors dans l’univers, &