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Essais

assez intéressé ou plutôt assez stupide pour ne faire aucune différence d’un homme à un autre, & pour ne pas donner quelque préférence à des qualités qui méritent son approbation & son estime. Etes-vous, lui demanderai-je, aussi insensible à la haine que vous prétendez l’être à l’amitié ? les injures & les mauvais traitemens ne font-ils pas sur vous une impression plus forte que les bienfaits & les bons offices ? Cela ne sauroit être. Je soutiens donc que vous ne vous connoissez pas vous-même, que vous avez oublié les mouvemens de votre ame, ou plutôt que vous vous servez d’un langage différent de celui de vos concitoyens, & ne donnez pas aux choses les noms propres qui leur conviennent.

Je continue. Que dites-vous de la tendresse naturelle des peres pour leurs enfans ? Est-elle aussi une branche de l’amour-propre ? Oui, tout est amour-propre. Vos enfans ne vous sont chers que parce qu’ils vous appartiennent ; vos amis par la même raison ; & à votre patrie vous n’y êtes attachés qu’autant qu’il y a de la liaison entre elle & vous :