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Moraux et Politiques

passion si froide & si brute, puisse nous porter à de plus grands excès que ni la bouillante jeunesse, ni tous les attraits de plaisir. Mais, à considérer la chose de plus près, nous verrons que cette même circonstance fournit la meilleure explication du phénomene que nous trouvons si singulier. Un tempérament plein de feu & de vigueur ne sauroit Ce borner à un seul objet : il s’élance de plusieurs côtés à la fois : il fait naître des passions inférieures, qui toutes ensemble tiennent la passion dominante dans une espece d’équilibre. Avec une pareille complexion, il est impossible d’étouffer tout sentiment de pudeur, & tout égard pour ce que peut penser de nous le reste de genre humain ; les conseils de nos amis font impression sur nous, mille considérations peuvent nous ramener, ou du moins nous contenir dans de certaines bornes. L’avare, au contraire, que son tempérament froid rend insensible à la réputation, à l’amitié, au plaisir, n’obéit qu’à la voix du seul penchant qui le domine : il ne faut donc point s’éton-