Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 6, 1788.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
Moraux et Politiques

trouve rien dans ce monde sublunaire, qui puisse la contenter : toutes les choses mortelles & périssables disparoissent à sa vue comme indignes de son attention, tandis que les régions invisibles du monde des esprits lui ouvrent une vaste carriere, où elle peut se livrer, à son aise, à toutes les rêveries, & à toutes les chimeres qui sont les plus propres à flatter son goût. De-là naissent les extases, les ravissemens, & ces élans prodigieux qui, paroissant excéder le pouvoir ordinaire de nos facultés, sont attribués par la confiance & par l’orgueil à l’inspiration immédiate de l’être divin, qui est l’objet de la dévotion.

Il faut peu de tems ensuite au prétendu inspiré pour en venir au point de se croire le premier favori de la divinité, & quand une fois cette fantaisie a pris racine, & ce qui est le comble de l’enthousiasme, dès lors chaque folie est consacrée : la raison & la morale ne sont plus regardées que comme des guides propres à nous égarer. Le fanatique extravagant s’abandonne, en aveugle & sans réserve, aux émanations de l’esprit