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Essais

croit menacée par des êtres mal-faisans. Les objets réels manquent-ils à ses terreurs ? Aussi-tôt active à son propre préjudice, & s’abandonnant à son goût pour le merveilleux, elle s’en fait d’imaginaires, & ne met aucunes bornes à leur pouvoir & à leur méchanceté. Comme ces ennemis sont entiérement invisibles &c inconnus, la méthode qu’il faut employer pour se les rendre favorables, est également étrange & bizarre : elle consiste en cérémonies, en observances, en mortifications, en présens, en sacrifices, ou en d’autres pratiques absurdes & frivoles, tributs que la sottise & la fourberie exige de l’aveugle crédulité. Beaucoup de foiblesse, de terreur & de mélancolie, jointes à l’ignorance, voilà les vraies sources de la superstition.

Mais l’esprit de l’homme est encore sujet à je ne sais quelle élévation présomptueuse qui naît des heureux succès, d’une abondance de l’ame, de la vigueur du fluide nerveux, d’une disposition à la confiance & au courage. Dans cet état de l’ame, l’imagination, enflée & remplie d’idées grandes & sublimes, ne