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Moraux et Politiques

que ceux qui jettent la base d’un gouvernement, & qui posent ses limites, doivent regarder tous les hommes comme des fripons ; ou du moins qu’ils ne doivent supposer à leurs actions d’autres motifs, que l’interêt particulier. C’est par ce motif qu’il faut les gouverner : il faut rendre leur avarice insatiable, leur ambition démesurée, & tous leurs vices profitables au bien public. Une constitution, disent-ils, ne peut être avantageuse, qu’autant qu’elle est réglée sur ce principe : & si nous le négligeons, il ne nous restera d’autre sûreté pour nos biens & nos libertés, que le bon plaisir de nos supérieurs, c’est-à-dire, qu’il ne nous en restera point de tout.

C’est donc une maxime juste, qu’il faut prendre tous les hommes pour des fripons. Cependant, n’est-il pas étrange que ce qui est faux en lui-même, puisse être-vrai en politique ? Une observation pourra nous expliquer ce paradoxe. Le caractere particulier des hommes vaut mieux que leur caractere public, ils sont plus honnêtes & moins intéressés lorsqu’ils n’agissent que pour eux-