Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 5, 1788.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
Essais

duite d’aucun homme raisonnable. La course inconsidérée des passions ne seroit point arrêtée par la réflexion de leurs suites, & comme chaque homme dans notre supposition ne pourroit aimer que lui seul, que dans chaque occasion il ne pourroit faire dépendre son bonheur & sa sûreté que de lui-même & de son activité, il prétendroit sans doute à la supériorité, s’efforceroit de l’obtenir sur tout autre être, qui, quoique de son espece, ne lui seroit uni par aucun lien ni de l’intérêt ni de la nature.

Mais dès que nous supposons l’union entre les deux sexes, il se forme tout de suite une famille, & comme on sentira bien vite le besoin des réglemens pour la subsistance, on les adoptera sur le champ, sans cependant les étendre au reste du genre humain. Supposons ensuite que plusieurs familles se réunissent pour former une société totalement séparée de toutes les autres ; les regles faites pour le maintien de la paix & de l’ordre, s’étendront sur tous les membres de cette société, mais elles n’iront pas au-delà de ces bornes sans perdre leur force, & sans devenir