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Essais

pour se garantir des incommodités du froid & du chaud ; des rivières de lait & de vin couloient sans interruption, les chênes fournissoient du miel, la nature produisoit d’elle-même les fruits les plus délicieux. Et ce n’étoient point-là les plus grands avantages de cet âge heureux, non-seulement les ouragans & les tempêtes lui étoient inconnus, mais les cœurs des hommes n’éprouvoient point alors les agitations furieuses qui causent aujourd’hui tant de désordres, & qui produisent de si grands ravages. L’avarice, l’ambition, la cruauté, l’amour-propre, & leurs effets étoient ignorés. La cordialité, la bienveillance, la sympathie étoient les seuls mouvemens de l’ame ; la distinction futile du mien & du rien, bannie parmi cette race fortunée de mortels, ensevelissoit avec elle toute idée de propriété & d’obligation, de justice & d’injustice.

Cette fiction poétique de l’âge d’or est à-peu-près aussi réelle que la fiction philosophique de l’état de nature : la premiere représente la condition la plus paisible & la plus agréable qu’on puisse imaginer ; on nous