Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 5, 1788.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
Essais

& prendroient un accroissement continuel & jamais il ne seroit question de cette vertu jalouse & défiante qu’on nomme justice. Pourquoi faire un partage de biens, lorsque chacun a déjà plus qu’il ne lui faut ? Pourquoi établir la propriété lorsqu’il ne peut se commetre établir la propriété lorsqu’il ne peut se commetre d’injustice ? Pourquoi appeller un objet mien, si, lorsqu’il a été pris par un autre, je n’ai qu’à étendre la main pour me mettre en possession d’un autre bien également utile ? Dans cette supposition la justice, n’ayant aucun objet, ne seroit qu’une vaine cérémonie, & n’auroit jamais été comptée au nombre des vertus.

Nous voyons même dans l’état de besoin, auquel le genre humain est réduit, que tous les bienfaits que la nature accorde avec profusion, demeura en commun pour l’usage de tous les hommes, & ne sont point sujets aux divisions de droit & de propriété. Quoiqu’il n’y ait rien de plus nécessaire aux hommes que l’air & l’eau, leur possession n’est convoitée par aucun individu, & ayez quelque prodigalité qu’un homme use de ces bienfaits de la nature, il ne sauroit commettre