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Essais

ressentiment, la punition d’un ennemi me sera indifférente. Dans tous ces cas la passion fixe sa vue immédiatement sur son objet & le rend nécessaire à notre bonheur. Il est vrai qu’il s’eleve ensuite d’autres sentimens secondaires qui poussent ce bonheur obtenu par nos desirs primitifs plus loin, & en sont une partie de notre bien-être. Si l’amour-propre n’étoit pas précédé par des sentimens d’une nature différente, il se manifesteroit à peine, parce que dans cette supposition nous n’éprouverions que des peines & des plaisirs très-légers, nous n’aurions que peu de malheur à éviter peu de félicité à attendre.

Où seroit donc la difficulté de concevoir qu’il en est de même de la bienveillance & de l’amitié, que des sentimens que nous venons de citer pour exemple ; & pourquoi ne croirions-nous-pas que la constitution primitive de notre ame nous fait desirer le bonheur de nos semblables, nous le rend aussi précieux que le nôtre ? sans nier que peut-être nous le recherchons ensuite par les motifs combinés