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Dialogue.

phie, leur éloquence, leur poésie, qui sont la matiere de nos disputes, vous me paroissez attaquer leur morale, vous semblez les accuser d’ignorance dans une science qui est, selon moi, la seule dans laquelle les modernes ne les aient point surpassés. Nous avons droit de prétendre à la supériorité sur eux en géométrie, en physique, en agronomie, en anatomie, en botanique, en géographie, en navigation, mais qui avons-nous à opposer à leurs moralistes ? Vous présentez les choses sous un faux jour ; vous n’avez point assez d’égard aux mœurs & aux usages des différens siecles. Voudriez-vous juger un Grec ou un Romain d’après les loix d’Angleterre, écoutez-les se défendre par leurs propres maximes, vous prononcerez ensuite.

Il n’y a point de mœurs, quelque innocentes & quelque raisonnables qu’elles soient, qu’on ne puisse rendre odieuses ou ridicules, lorsqu’on les jugera d’après un modele inconnu aux auteurs : sur-tout si on emploie une éloquence artificieuse pour aggraver quelques circonstances, & pour en atténuer d’autres, suivant le besoin qu’on en