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de Morale.

C’est mal représenter le crime, direz-vous. Il ne consiste point dans un fait particulier dont la raison nous assure la réalité, mais il consiste dans de certaines relations morales que la raison indique, de la même façon qu’elle nous fait découvrir des vérités en algèbre & en géométrie. Mais je demanderai qu’est-ce que les relations dont vous me parlez ? Dans l’exemple que nous avons à examiner, je vois d’abord de la bonne volonté & de bons offices dans une personne, je vois ensuite un méchant vouloir & de mauvais offices dans une autre. Entre ces deux personnes il n’y a qu’une relation de contrariété ; est-ce dans ce rapport que consiste le crime ? Mais supposons qu’une personne me voulût du mal & me desservît, tandis que moi je serois indifférent à son égard, ou que je la servirois en toute occasion, il y aura entre nous la même relation de contrariété, cependant souvent ma conduite pourra être très-louable. On a donc beau se mettre l’esprit à la torture, jamais on ne pourra établir la moralité sur des rapports ou relations ; il faut avoir recours aux décisions du sentiment.