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de Morale.

plus immédiatement nos intérêts particuliers que les autres qualités, & qu’elles exigent de trop grands sacrifices de notre part, ceux de notre honneur ou de nos biens ? Si c’est-là notre idée, il faut que nous connoissions bien peu la nature des passions humaines, & que nous fassions plus d’attention à des distinctions de mots, qu’à des différences réelles.

Quelque contrariété que l’on suppose communément entre les vertus sociales & l’amour-propre, ces choses ne sont pas réellement plus opposées que l’amour-propre & l’ambition, que l’amour-propre & la vengeance, que l’amour-propre & la vanité. Il faut toujours qu’il y ait un penchant originel, de quelque genre qu’il soit, qui serve de base à l’amour-propre, & qui donne du goût pour les objets qu’il recherche ; il n’y en a point de plus propre à produire cet effet que la bienveillance ou l’humanité. Les biens de la fortune doivent servir à quelque plaisir, à l’un ou à l’autre indifféremment. L’avare, qui accumule son revenu & qui prête à usure, emploie son argent à satisfaire sa