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Essais

propre dans la morale, n’ont pas laissé de mener la vie la plus irréprochable ; cependant, le premier avoit absolument secoué le joug de la religion, qui auroit pu suppléer à ce qui manquoit à sa philosophie.

Un épicurien, ou un disciple de Hobbes avouera qu’il existe dans le monde une amitié sans fard & sans hypocrisie ; mais à force de subtilité philosophique, il essaiera d’analyser ce sentiment, pour en répandre les élémens dans ceux d’une autre passion ; il s’efforcera de prouver que tous nos sentimens ne sont qu’un amour-propre déguisé sous une infinité de formes différentes. Cependant le même tour d’imagination ne domine point dans tous les hommes, & par conséquent ne peut donner la même modification au sentiment primitif de chacun ; cela seul suffit, même dans le systême de l’amour-propre, pour mettre la plus grande différence entre les caracteres des hommes, & pour attirer le nom de vertueux & d’humains aux uns, & celui d’intéressés & de vicieux aux autres. Je fais cas d’un homme dont l’amour-propre, de quelque maniere